ZOOM SUR L’ÉNERGIE ET LA DÉCARBONATION

ENTRETIEN AVEC FÉLIX ROBERT, DIRECTEUR ÉNERGIE ET DÉCARBONATION CHEZ AMBIONER

Avant de réaliser son objectif de travailler en efficacité énergétique, Félix Robert a d’abord obtenu une maîtrise en géothermie. Il a élargi ses connaissances en touchant à différents domaines: conception, surveillance de chantier, projets en plans et devis.

Félix a commencé à travailler dans son domaine de prédilection en 2013 et a rejoint Ambioner en 2016, où il consacre désormais tout son temps à l’efficacité énergétique. Il est aujourd’hui directeur de ce service et souhaite sensibiliser les gens à l’importance de la décarbonation à l’échelle mondiale.

Comment décrirais-tu l’efficacité énergétique ?

« Tout d’abord, l’efficacité énergétique est un service chez Ambioner que je sépare en 5 catégories. Il y a les audits et les études énergétiques. Ensuite, la remise en service (recommissioning) qui est un peu différente, l’accompagnement pour les demandes de subventions, les simulations énergétiques et enfin le suivi énergétique avec une plateforme telle que Monitor.

Pour décrire l’efficacité énergétique de manière générale, on peut dire que c’est le fait de réduire la consommation d’énergie et la facture énergétique des bâtiments. Depuis quelques années, l’efficacité énergétique passe par la décarbonation. On ne fait plus vraiment de projets dans lesquels on se soucie uniquement de réduire la facture d’énergie, on fait plutôt des projets qui ont pour objectif principal de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) des bâtiments parce qu’on a un impératif mondial qui se décline dans des politiques gouvernementales.

On réduit davantage la consommation des bâtiments existants que des bâtiments neufs. On peut travailler sur des locaux vraiment très anciens, tels que des bâtiments centenaires ou patrimoniaux. »

Qu’est-ce que le recommissioning ?

« C’est remettre en service un bâtiment par rapport aux normes que l’on applique de nos jours, mais sans faire de grandes modifications.

Quand on parle de mesures d’efficacité énergétique, ce sont vraiment d’importants changements, comme ajouter des puits de forage géothermiques, remplacer les systèmes de ventilation ou encore remplacer une chaudière par un équipement plus efficace, moins carboné.

Le recommissioning, c’est plutôt une intervention mineure comme ajuster un point de consigne dans un système existant, réviser les horaires de fonctionnement, ajuster les détecteurs de présence pour que les systèmes fonctionnent selon l’utilisation réelle du bâtiment. Ce sont de petites mesures de contrôle et régulation qui permettent de réduire l’énergie consommée. On parle d’interventions mineures mais qui ont un impact majeur. Souvent, la période de rendement sur investissement se situe entre 1 et 3 ans, tandis que lorsque l’on parle de mesures d’efficacité énergétique (remplacement d’une chaudière, par exemple), on est davantage dans des périodes de rendement entre 15 et 25 ans.

Tous nos mandats d’audits énergétiques ont tendance à être sur des bâtiments datant des années 1930 à 1990. Alors qu’un bâtiment construit dans les années 2000-2010 sera davantage dans la catégorie du recommissioning, parce que les systèmes sont récents et n’ont pas besoin d’être remplacés. En revanche, nous aurons peut-être à les optimiser en faisant certaines mesures de contrôle ou de « mise à jour ».

Concernant notre volet simulation énergétique, il s’applique davantage à un bâtiment neuf qui n’est pas encore construit mais qui cherche à faire la meilleure conception, à consommer le moins d’énergie. Sans pouvoir le visiter ou se référer à des factures d’énergie, notre façon de modéliser la consommation sera de faire une modélisation énergétique. »

Quels sont les défis à relever pour y arriver ?

« Je trouve que la conception des bâtiments existants et neufs se fait peut-être trop vite. Il y a des solutions qui existent et on met en place ce qu’on peut, mais c’est très difficile de travailler sur l’enveloppe, l’orientation du bâtiment ou le remplacement d’équipements. C’est très coûteux et difficile.

Mais dans les bâtiments neufs, tout est possible. On peut encore travailler sur l’orientation et l’enveloppe car il n’est pas encore construit. Il y a beaucoup de solutions qui existent. »

Y a-t-il des bâtiments trop anciens où les mesures énergétiques sont trop difficiles à implanter?

« Oui, il existe des bâtiments dans lesquels le système mécanique existant est trop désuet ou mal entretenu. À ce niveau, il faut remplacer tous les équipements, ce qui implique des coûts de travaux très importants.

Il existe des bâtiments qui ont des déficits d’entretien importants ou qui sont tellement anciens que les réseaux d’eau ne sont plus en état de fonctionner, par exemple. Si on voulait modifier ce réseau en installant une thermopompe, le réseau pourrait tomber en ruine. Ce genre de projet est très coûteux.

Un projet d’économie d’énergie est un projet de réflexion. Il y a parfois des mesures que l’on aimerait proposer, mais qui sont malheureusement impossibles en raison du niveau de vétusté du bâtiment.

Parfois, il faut combiner le projet d’économie d’énergie avec un projet de maintien d’actifs. Il faut que les équipes travaillent ensemble et que l’on brise les silos. Les budgets de maintien d’actifs doivent être intégrés dans le projet d’efficacité énergétique global. »

Existe-t-il des normes au Québec pour les bâtiments neufs?

« Depuis 2021, il y a un nouveau chapitre qui a été intégré au Code de construction du Québec concernant l’efficacité énergétique dans les constructions neuves, commerciales, institutionnelles et industrielles.

Ce nouveau chapitre prescrit une performance énergétique minimum. L’un des outils que l’on utilise pour s’assurer du respect de cette norme est la simulation énergétique.

Selon moi, le but n’est pas de respecter seulement le code, mais d’être meilleur! Le code est un standard minimum, une base pour être réglementaire. Mais on peut faire mieux grâce à la simulation. Peut-être que si l’on prouve que c’est possible de faire bien mieux, les codes vont s’adapter à nouveau et le standard sera revu à la hausse. En ce moment, le code vise une performance énergétique purement basée sur la consommation d’énergie, mais je suis certain qu’il finira par viser une performance au niveau de la demande de pointe, des émissions de GES et qu’il sera encore plus sévère au niveau de l’enveloppe et des systèmes mécaniques. »

Quels sont les points qui t’intéressent le plus dans ce domaine et qui te motivent ?

« J’aime principalement faire des audits et des simulations énergétiques. Les deux sont vraiment importants parce qu’il faut réduire à la fois la consommation d’énergie des bâtiments existants, mais aussi des bâtiments neufs. Le consensus scientifique est assez clair à ce sujet et on ne pourra pas y arriver si, lors de la décarbonation, on ne réduit pas à la source. Il faut que l’on divise par 2 ou 3 la consommation d’énergie des bâtiments partout sur la planète.

On travaille sur deux fronts, à savoir les bâtiments existants, qui consomment trop, et les bâtiments neufs, pour s’assurer qu’ils sont conçus pour consommer le minimum.

Je suis convaincu que l’on consomme trop d’énergie et qu’il faut réduire nos GES. J’essaie de le faire à mon niveau dans ma pratique professionnelle et personnelle. »

Quel est le meilleur projet sur lequel tu as pu travailler ?

« Je pense que c’est simplement le fait de faire une étude, puis de voir que le projet se réalise et qu’il permet de faire des économies sur la facture d’énergie.

Il n’y a rien de pire que de faire une étude, des recommandations en simulation énergétique, et que rien ne soit appliqué. »